De retour de mission, Elrin se dirigea vers l'auberge de la Flèche d'Argent, un petit paquet à la main. Il passa l'encadrement de la porte et scruta la salle où l'on pouvait voir que les festivités de la dernière nouvelle lune n'était pas encore terminées.

- Ah les Elfes... S'ils savaient quels dangers rôdent autour de leur forêt... Songea le centaure.
- Elrin ! Bénit soit l'Arbre-Monde ! Tu es de retour ! S'exclama le tavernier.
- En doutais-tu ? S'enquit le chevalier en arborant un sourire et en écartant ses bras pour aller enlacer son ami.
- De toi ? Certainement pas ! Alors, tu l'as trouvé ?
- Parlerais-tu de ceci ? Dit Elrin en présentant le mystérieux paquet.
- Hahaha ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! Chérie ! Prépare nous une de tes plus belle tarte et apporte une coupe de nos meilleurs fruits pour notre ami !

Ils prirent place autour d'une table un peu isolée. La femme du tavernier arriva avec une coupe remplit de superbe fruits locaux, ainsi qu'une tarte au myrtille fumante dont l'odeur si délicieuse réveilla l'estomac de notre aventurier.

- Alors dis moi, qu'est ce que tu vas faire maintenant ? Demanda de tavernier.
- Je pense que je vais profiter de l'occasion pour aller rendre hommage à mes proches à l'Arbre-Monde. Répondit Elrin avec un pincement au cœur.
- Écoute, je sais que tu t'en veux, mais rend toi compte ! Tu n'avais que 7 ans, que pouvais tu faire d'autre ? Tu as déjà de la chance d'être encore en vie, alors arrête de ressasser le passé. Essaye d'aller de l'avant, c'est ce que ta mère aurait voulu.

Elrin ne releva même pas cette dernière phrase et avala goulûment une part de tarte.

- Bon, dit le tavernier, je vais te laisser te remettre de tes émotions. Profite des festivités ! Elles seront bientôt terminées.
- Alors les prochaines ne devraient pas tarder à commencer ! Rétorqua Elrin en adressant un clin d’œil au patron.

Ce dernier ria à gorge déployé avant de vaquer à ses activités.

"Quitter ma patrie, c'était déjà bien dur, mais aller chez les elfes... quelle idée !"
Un nain à Aldaron, ce n'était pas courant.
Mais un nain couvert d'objets technologiques étranges, grommelant dans sa barbe tout en marchant vers une taverne elfique, c'était du jamais vu pour la plupart des habitants de la grande cité elfique.

Vlag passa la porte de la flèche d'argent, et, pour la première fois de sa vie, il ne vit ni bagarre, ni ivrogne. Il ne senti pas non plus d'odeur suspecte, voire nauséabonde. Il se dit alors qu'il y avait du bon à être un elfe : on ne marche pas souvent dans le vomi.
Il alla directement voir le tenancier, et expliqua alors sa situation, sans faire attention aux regards légers portés sur lui.

- Bien le bonjour elfe-tavernier ! lança le nouvel arrivant.
- Hé bien maître nain, il est bien rare de voir une barbe aussi fournie dans cette cité. Que puis-je pour vous? lui répondit le tavernier.
- Hum... J'ai été demandé pour... une affaire. Marmonna Vlag. Ce n'est pas un elfe, ça je le sais, mais je ne connais pas plus de détail. Avez vous une idée, elfe? interrogea-t-il.
- Celui que vous chercher est à la table, là bas. Il vous attend.
- Bien, bien... Vous n'auriez pas une bière par hasard ? osa l'étranger.
- Vous savez bien que non, maître nain.
- Ça ne coûte rien de demander, chez les elfes... lâcha le nain en se dirigeant vers la table indiquée.

Il en avait vu des aventures bizarres, mais celle là...
Après un contrat de style chasseur de prime plutôt bien réussi, Vlag avait été contacté par messager. Un inconnu, prétendant le connaître, lui disait qu'il avait besoin de lui pour une quête. Le plus insolite, à part la terreur du messager, était que le rendez-vous était fixé à la taverne d'Aldaron.
Le rocher solitaire n'aimait pas travailler avec quelqu'un, mais la demande était tellement surprenante qu'il ne pouvait pas l'ignorer. De plus, il avait tout de suite vu au style de message que ce n'était pas un elfe qui le demandait.
Mais.... un Centaure?

Il prit une chaise et s'installa dessus, non sans difficulté.
Il posa son sac sur la table, et en sorti un objet que le quadrupède ne reconnut pas.

- 'Bonbonne à bière. Il faut prévoir, quand on vient chez les elfes. Déclara le nain, non sans un sourire. Mais plus sérieusement, que me voulez-vous?

Elrin observa Vlag boire une bonne rasade de bière sans se soucier du fait que la moitié de la taverne les regardaient suspicieusement. Il prit le temps de déguster le reste de sa tarte, conscient de l'impatience son interlocuteur concernant ses directives. Il bu lentement sa coupe de lait de chèvre avant de sortir un couteau de sa sacoche pour entreprendre de couper un des fruits disposé devant lui. Il porta un morceau juteux à sa bouche avant de prendre la parole.

- Hmm... Un vrai délice ! Les elfes sont au moins doués dans ce domaine. Mais vous n'êtes pas venu ici pour goûter aux mets locaux.

Il posa son couteau et regarda le nain droit dans les yeux, comme pour lui indiquer le lourd poids des paroles qui allaient suivre.

- On m'a confié une mission, et j'ai besoin de votre aide. Avant d'entendre votre réponse, j'aimerai vous exposer le problème au complet. Le bruit court qu'une bande de malfrats a élu domicile dans les sous-terrains d'Aldaron, y entassant leur butin. Ils sévissent dans les environs depuis 3 semaines et sont une bonne dizaine au moins. Parmi eux, des ingénieurs, qui possèdent de puissants systèmes d'alarme et de défense. J'aurai besoin de vous pour les désarmer si ce n'est les contrer. Aussi, notre objectif sera de trouver et de ramener des plans de chars à vapeur volants. Ayant quelques doutes sur les intentions de mon commanditaire, je vous demanderai d'évaluer la menace que de tels engins pourraient générer, au vu de vos connaissances dans ce domaine et bien évidemment vous inspirer de ces dits plans dans vos prochaines inventions. Alors, puis-je compter sur vous ?

Elrin découpa un nouveau morceau de fruit avant de l'engloutir, en attendant la réponse de son interlocuteur.

Le demandeur le faisait attendre. Mais le Rocher solitaire n'en était pas troublé, c'était sa spécialité.
L'homme-cheval commença enfin son discours d'un ton grave. Vlag le scrutait plus qu'il n'écoutait, car il se doutait déjà des détails.

"Une armure, une arme simple... Pas de technologie évidente. Il doit probablement se servir de magie. Pouah, quelle idée, tromper le monde et ses règles. Enfin, au moins nous sommes, semblerait-il, complémentaires. En plus, il a l'air de se battre au corps à corps, surement un guerrier. Non, un chevalier. Mais de quel ordre?
En tout cas, ça m'arrange bien. Il prendra les coups à ma place, c'est déjà ça."

Vlag Duraz écoutait calmement.
La mission avait l'air facile : ennemis peu nombreux, gain très intéressant.
Une seule conclusion possible, quelque chose clochait.
Et déjà, un détail le saisissait. Qu'avait à y gagner le centaure? La technologie n'était pas son "dada". Le Nain rigola dans sa tête de sa propre blague, ce que son interlocuteur ne remarqua même pas, toujours concentré dans son discours.
Son âge avancé lui permettait de savoir que ce n'était pas le genre de blague à dire à voix haute, surtout chez les elfes. Et il ne voulait pas donner l'image d'être irrespectueux, ou encore rustre, une image contre laquelle il se battait depuis toujours.

Le centaure finit son explication, et un profond silence s'installa.
Les deux êtres se scrutaient, comme si le simple fait de troubler le silence installé représentait une épreuve nécessitant le courage d'une armée toute entière.

Même les elfes étaient muets, comme s'ils avaient tout entendu, et qu'ils attendaient avec suspens la suite de la discussion. Il était de notoriété publique que leur ouïe le leur permettait.

Enfin, Vlag Duraz posa la question :

- Qu'y gagnes-tu, chevalier ?

Bien que Vlag ne soit pas au courant du triste passé du centaure, ce dernier ferma les yeux en baissant la tête un instant, se rappelant ce douloureux passage de sa vie.

Par pur coïncidence, c'est le moment que choisirent les musiciens de la taverne pour faire une pause, laissant la salle lourdement silencieuse.

Elrin ne répondit pas toute de suite à la question de son interlocuteur. Il prit son pendentif dans une main et marmonna comme pour faire une prière silencieuse.

- Mon honneur... lâcha-t-il finalement.

La tavernier, conscient du mal-être de son ami, lui apporta un autre verre de lait de chèvre qui fût avalé d'une traite, même si ce breuvage n'est pas connu pour ses capacités à rendre en état d'ébriété.

- En tant que chevalier de l'Ordre du Griffon, j'ai le devoir de faire régner l'ordre et la justice sur les terres que je foule. Mais à titre personnel, j'ai une certaine rancœur contre les bandits de toutes sortes. Je les traque, et j'essaye toujours de savoir s'ils ont un quelconque rapport avec une histoire vieille de 18 ans. Je ne rentrerai pas dans les détails, car le moment n'est pas venu. Vous y gagnerez assurément beaucoup plus que moi, car ce que je recherche n'est pas palpable et est invisible aux yeux de ceux qui n'écoutent pas avec leur cœur. Mais croyez moi, j'ai assurément besoin de vous pour déceler la moindre menace que pourrait représenter ces prototypes. Alors, m'aiderez-vous ?

Elrin posa un regard empli de détermination sur son interlocuteur, attendant que ce dernier lui donne sa réponse.

- Pourvu qu'il accepte... pensa le chevalier.

Le ton de son interlocuteur était grave.
Le silence, auparavant pesant, était maintenant comparable à un enterrement. La peine de cet être en était presque palpable...

Vlag avait cette fois écouté chaque mot que le centaure avait prononcé, car ceux-là étaient différents des précédents. Il ressentait la peine, mélangée à une colère sombre que rien ne pouvait arrêter. Il sut alors que même s'il refusait, son possible compagnon d'aventure partirai seul dans les sous-terrains.

- Grumbak..., lâcha enfin le nain en tendant une petite flasque. Je vois ce qui te tourmente, et même si je viens de la pierre, j'ai quand même un cœur.

Vlag prenait son temps pour réfléchir. Il estimait la dangerosité de cette mission, vis à vis de leur équipe réduite, en prenant néanmoins en compte le matériel qu'il gardait caché sur lui. Il en profita d'ailleurs pour chercher sa pipe et un peu d'herbe, qu'il alluma sans même regarder.

- Ek guz ! fit-il en montrant la flasque.

Ces réflexes nains n'avaient pas disparu : la bière et la tristesse faisaient ressurgir la langue naine. Il savait que personne à des lieux à la ronde ne la comprenait, mais il ne pouvait s'empêcher de la parler parfois, comme s'il retournait chez lui, à Osa Thiris, pendant quelques secondes.

- Ces... Ces plans m'intéressent. Affirma alors le nain, sans grande sincérité dans sa voix.
Si cela te convient, enchaîna Vlag, nous passerons la nuit ici. Avec l'accord du bon tavernier-elgi ! lança le barbu en direction du tenancier, qui sourit en signe d'accord.
Mais avant cela, tu vas me dire un peu de quoi tu es capable, centaure-Hazkal !

Il faut mettre un minimum de stratégie en place... dit-il pour lui même.

Les musiciens se remirent alors à jouer un air enivrant, tout d'abord doux, puis passionné, pour enfin arriver vers une sérénité qu'on ne peut connaître que chez les elfes...
Comme l’œil d'une tempête, le calme avant la bataille.

L'élaboration d'un plan d'attaque n'était pas toujours une chose aisée. Par chance, le chevalier avait déjà son idée en tête.

- D'après mes estimations, les bandits n'ont pu s'installer que dans un seul endroit, qui se situe au centre de ce labyrinthe sous-terrain. Il s'agit d'une vaste pièce illuminé par des cavités dans le plafond, ce qui n'est pas le cas des couloirs sinueux qui nous y mèneront.

Elrin sortit de sa sacoche deux pierres bleu pâle parfaitement sphérique de la taille d'un pamplemousse. Elles avaient la particularité d'être translucide, laissant apercevoir un noyau en leur centre en plus d'émaner une faible lueur.

- Ces pierres nous seront d'un grand soutien. Je les ai reçu d'un hobbit qui voulait me remercier pour l'avoir aider à réparer sa clôture endommagé par des pillards, l'ayant lui-même reçu d'un elfe. Ces minéraux éclairent suffisamment pour voir devant nous, mais pas assez pour que nous puissions nous faire remarquer, ce qui sera un précieux atout pour notre mission. En effet, l'endroit étant surveillé, nous faudra faire preuve d'un minimum de discrétion. Nous devrons emprunter un chemin bien spécifique pour nous rendre à leur salle du butin et par chance, je connais cette endroit.

Profitant du fait que Vlag examine les pierres, le centaure déroula une carte des sous-sols qu'il avait rapidement dessiné sur un grand morceau de lin.

- Je pense que les bandits auront disposé des pièges à ces endroits précis, dit il en pointant du doigt différents endroit sur le croquis. C'est là que tu interviendras. Et si par malheur, nous devions être repéré, il nous faudrait nous replier dans un couloir étroit, pour que leur nombre ne soit plus un avantage pour eux. Nous pourrons ainsi nous mettre en position d'attaque, à savoir que tu seras derrière moi en leur tirant dessus pendant que je me chargerai de faire barrage avec mon bouclier, pouvant toujours neutraliser ceux qui arriveraient jusqu'à nous avec mon épée. J'ai sais que tu es un excellent tireur, mais je te demanderai juste d'éviter de me toucher lorsque tu seras en place, il m'est assez difficile de pratiquer une imposition des mains dans le dos.

Les deux nouveaux compagnons continuèrent d'améliorer leur stratégie pendant un long moment. La fatigue se faisant sentir, ils allèrent chacun se coucher, voulant être frais et dispo pour leur mission.

Le lendemain matin, à l'aube, les deux aventuriers avaient déjà plié bagage et étaient en route pour les sous-terrains d'Aldaron...

Aldaron, la cité elfique... Quels mystères ses sous-terrains pouvaient-ils bien cacher? Mais aussi, comment des bandits avaient-ils osé y pénétrer?

Vlag Duraz se posait toujours beaucoup de questions. Non pas qu'il aimait ça, du tout ! Ces questions surgissaient dans sa tête, sans qu'il n'ai rien demandé, et il se sentait obligé de trouver une réponse à toutes.
Cela faisait de Vlag un être assez paranoïaque. Et même si c'était souvent considéré comme un défaut majeur, cela lui sauva la vie plusieurs fois, et lui permit de faire les bons choix d'autres fois.

L'aube était là.

Malgré la douceur des draps elfiques et la fraîcheur de la nuit, le nain n'avait pas très bien dormi. Il ne dormait jamais très bien avant le combat. Il avait revu et vérifier tout son matériel pendant la nuit, avant de finalement trouver le sommeil, fatigué par la concentration nécessaire à ce travail.

Il était prêt.

Il marchait aux cotés du centaure, dans un quartier calme d'Aldaron. Beaucoup d'elfes se réveillaient alors, comme s'ouvre une fleur à la rosée du matin : rapidement et tranquillement à la fois, avec fraicheur, sans un seul point noir sur le cœur.

L'entrée des sous-terrains n'était plus très loin. Il pouvaient déjà apercevoir l'ancien arche qui la composait.

Vlag revoyait dans sa tête les informations que le centaure avait fourni.
"Des pièges plutôt simples dans les couloirs, type pièges à ours, déclencheur à explosif, troncs à pointes, ou encore bélier qui sort du plafond... Ce sera facile. Tous ces pièges ont un défaut : quelque chose de petit les déclenche, mais ne se fait pas prendre.
Il me demande de m'occuper des pièges, il n'a pas parlé de tous les désamorcer... Et si l'on se fait prendre par un seul d'entre eux, c'est foutu."

Enfin arrivé devant le passage vers les profondeurs, le Rocher Solitaire regarda le centaure, tout en rallumant sa pipe :

- J'ai une solution pour les pièges : On les active tous ! Dit le nain, tout en scrutant une quelconque réaction. J'ai amené ma meilleure invention pour ce cas là, le raméca ! déclara-t-il, fier. C'est un rat mécanique, bien plus rapide qu'un rat normal. Il y a juste quelques défauts... Je ne contrôle que partiellement la direction, et je n'en ai qu'un. Pour la direction, ce n'est pas très problématique, puisque nous serons dans un couloir, mais s'il est pris, nous devrons être encore plus sur nos gardes. Il y a tout de même un petit système d'auto-destruction pour que l'astuce ne soit pas découverte. Cela ne change pas le reste de la stratégie, bien entendu...
Bien-sûr, si tu préfères que je désarmes piège par piège, comme prévu à la base, je le ferais, grommela Vlag.

- Qu'en penses-tu, Centaure ?