Il y a bientôt trois cent vingt et un ans, dans un pays fort lointain, un jeune couple d'humain trouva devant chez lui un petit berceau. Ce berceau était si petit, et si drôlement conçu qu'en aucun cas il aurait pu passer pour un berceau d'humain. Et le petit individu qui le contenait était grotesque, si farfelu et si petit qu'il ne pouvait passer que pour un nain.
En ce temps là, les nains étaient rare dans la contrée de ce jeune couple. Et plus rare encore étaient ceux qui pouvaient subvenir aux besoins de leurs enfants.
C'était donc tout naturellement, et avec plein de fierté à l'idée d'élever un enfant nain que le jeune couple décida de s'occuper de ce nouveau né.
Nombreuses furent les joies au fur et à mesure que le temps passa. Et nombreuses fut les contradictions qui apparurent dans le physique de leur enfant adoptif.
Le nez de celui-ci commençait à devenir un peu trop gros pour un nain. Et les enchanteurs, ensorceleurs, mages, druides n'arrivèrent jamais, quelques furent les sollicitations divines et magiques, à amenuir cette excroissance. Ceci dit, cela n'était pas très grave.
Ainsi, ce jeune garçon découvrit que le monde pouvait (hormis son nez) être manipulé à souhait. C'était un enchantement que de découvrir ceci ! A l'âge de ses cinq ans, il commença à essayer de regarder de près les grandes personnes douées de pouvoirs, avec une curiosité flagrante.
Ô quelle tristesse, et quelle déception lorsque le jeune couple compris vers la neuvième année du garçon que celui-ci n'était pas un nain ! Où étaient donc ces mains épaisses ? Où se trouvaient donc ses sourcils broussailleux ? Et que venaient faire là ces oreilles et ce nez difformes ?
Hélas, le jeune couple ne pouvait garder ce gnome sous leur toit. La honte semblait s'abattre sur eux !
Alors un matin, ils partirent avec le jeune garçon et l'emmenèrent près des grottes des gnomes.
Avec soulagement, ceux-ci le prirent rapidement en charge, au grand dam du jeune garçon.
Quel ne fut pas sa surprise de voir que le monde n'était pas celui auquel il s'attendait ! En fait de magie, les gnomes qui l'avaient pris en charge s'occupaient de mécanique, de transformation des objets en outils étranges parfois douloureux à voir.
Ces gens hors du commun l'appelèrent Bigdo, à cause de sa façon quasi humaine de se tenir droit, non courbé comme tout gnome censé.
En ces temps là, un grand trouble perturba le jeune Bigdo.
Il avait tellement de retard sur ses camarades en mécanique qu'il devait subir les quolibets incessant de ses enseignants et les moqueries des autres élèves.
Et sa passion pour la magie, que les humains avaient éveillé chez lui, ne cessait de croître, son malaise grandissant.
Alors pendant ses temps libres, il sortait des grottes Gnomes et partait regarder les magiciens humains. Parfois, des cirques itinérants lui amenaient un peu de joie. Ces gens ne ressemblaient à personne, et à tout le monde à la fois. Ils étaient appréciés de tous et apportaient du bonheur à chacun. Un idéal de vie, pour le jeune gnome.
Ni d'un monde, ni de l'autre, accepté seulement de loin par tout un chacun, le jeune Bigdo Dogbi se referma sur lui même, s'instruisant en autodidacte, rêvant d'une vie d'aventures et de bohème, ratant ses examens de mécanique.
- Spoiler:
Ce que l'Histoire ne nous dit jamais, c'est que les premières années sont les plus importantes chez une personne.
Vivre parmi ses pairs semblait bien difficile pour le jeune Bigdo. Il ne serait jamais accepté comme un véritable Gnome, il le savait.
Une nuit, pendant que tout le monde dormait et alors que le poids de l'ostracisme se faisait trop lourd pour ses épaules, le jeune Gnome prit ses affaires et sorti. Il souhaitait vivre parmi les hommes, et pourquoi pas réussir à travailler dans un cirque.
Hélas... Arrivé au plus proche village, il comprit que le monde ne serait plus jamais tel qu'il l'espérait. Là bas, les gens de son espèce n'étaient tout juste toléré que par leur connaissance en mécanique. Et le cirque ne passait qu'une fois par an.
Pour survivre parmi les hommes de ce village, le jeune Bigdo comprit vite qu'il devrait endosser une tenue de mécanicien, aussi faibles ses connaissances soient-elles, le temps de trouver asile dans la compagnie itinérante.
Et le temps passa. Et ses clients, comprenant que le mécanicien n'était pas des plus doués, se firent de moins en moins nombreux.
Mais le cirque revint. Ce fut un soulagement pour le jeune Bigdo. Un gnome, c'est forcément drôle, forcément utile, forcément rentable pour un cirque.
Son rêve se réalisa. Il parti vivre l'aventure et le monde avec la compagnie itinérante. Et il observa ce qui l'intéressait le plus, la Magie.
La Magie du spectacle, la magie de l'enchanteur, la magie de ce cirque ne cessait de l'intriguer. Quelques années plus tard, pour le plus grand bonheur du jeune gnome, l'illusionniste de la compagnie le prit sous son aile et se mit en tête de lui donner des cours.
Ainsi le jeune Bigdo ne croyait plus vraiment en la réalité de ce monde. Pour lui les gens n'étaient que mensonges et tricheries depuis son enfance, hormis peut-être dans cette compagnie.
Pour lui, les illusions seraient sa carapace, pour les années à venir.